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Ici, à Siem Reap, si vous décidez de parcourir de long en large les rues encombrées de la ville en vélo, vous aurez indéniablement besoin d’un petit dispositif sonore que l’on nomme vulgairement « sonnette ».
La mienne ayant un fonctionnement erratique, j’ai décidé de partir à la quête d’une nouvelle. C’est ainsi que j’ai trouvé Eglantine !
Je conçois facilement que cela peut sembler puéril et bien futile d’accorder une telle importance à ce petit engin commun. Mais si vous avez déjà fréquenté les villes d’Asie, vous comprendrez alors combien prévenir les autres de votre présence sur la route devient rapidement une question de vie ou de mort.
Ici la circulation est chaotique, désordonnée, incohérente, et parfois même disloquée. La droite ou la gauche n’ont pas de sens, la priorité est inexistante, tout se fait dans l’inconscience totale. C’est un joyeux capharnaüm où chacun sourit à l’autre, trop heureux ne s’être pas fait envoyé de vie à trépas dans l’instant. Les grosses Lexus rutilantes se frayent un chemin laborieusement entre les tuktuk nonchalants et les scooters transformés souvent en transport en commun. Au milieu de cette tourmente il y a le vélo. Dans le flot capricieux de la circulation, le vélo est en bas de l’échelle de survie et le vélo conduit par un occidental, juste en dessous. Alors il vous faut une sonnette, non pas comme un accessoire de loisir ou esthétique, mais comme un véritable compagnon de route, de vie.
Eglantine, s’enorgueillit d’un timbre cristallin, puissant lorsqu’il le faut, doux et mélodieux comme un clin d’œil à d’autres moments. Elle est au bord de mon pouce, prête à chaque instant à manifester avec aplomb ma présence. Fière, elle trône majestueuse sur mon guidon surveillant les inconvenants qui voudraient prétendre à mon intégrité. Délicate, elle se fait discrète lorsque sur les chemins de campagne elle se laisse caresser par le vent dans le silence des rizières.
Je me devais de vous la présenter. Belle journée à vous
Je voulais vous parler ce matin de Somali et de Sith. Somali est la femme du propriétaire de la Guesthouse dans laquelle je suis installé et Sith y travaille pour le moment.
Somali a un cancer. Trois fois par mois elle doit se rendre à Bangkok pour des séances de chimiothérapie. C’est un long voyage d’une journée, en voiture, sur les routes cahoteuses qui rejoignent le Cambodge à la Thaïlande. C’est l’ancien patron de son mari qui a offert de payer tous les frais médicaux de Somali. Ici au Cambodge elle n’aurait pas pu être soignée.
Notre guesthouse devait être finie fin décembre. Tout a pris du retard et les touristes sont déjà arrivés au milieu d’une maison en chantier. Alors Somali avec son cancer et son mari avec son grand chapeau viennent travailler ici, parce qu’ils se sentent responsables, parce qu’il en va surement de leur honneur. Somali, à longueur de journée pousse sa fragilité au milieu des amas de gravas.
Sith, arrive chaque matin à huit heure sur sa vieille mobylette cabossée. C’est un jeune de vingt-deux ans qui vit plus loin dans la campagne environnante. Sith est un manœuvre de la construction. Il n’a pas de qualification. Il prépare le béton, porte les seaux de sables, déblaie les cailloux. Il faut dire qu’ici, au Cambodge, tout se fait à la main, pas de brouettes ou d’engins motorisés pour aider. Sith repart vers dix-huit heure à la nuit tombée. Le midi il prend une brève pause pour avaler en toute rapidité un bol de riz. Sith travaille sept jours sur sept et les congés sont une notion inconnue. Ne pas travailler pour lui, c’est d’abord ne pas pouvoir nourrir sa famille.
Le salaire des ouvriers comme Sith vient d’être augmenté. Il est passé de 1.75€ à 2.00€ par jour. Ici une assiette de riz sauté aux légumes sur le marché vaut 1.20€, un camembert venu de France 16.00€ au mini supermarket de la ville. Si tout se passe bien, Sith va gagner 60 euros ce mois ci.
Somali et Sith, lorsque leur regard croise le votre, vous sourient toujours. Tout le temps, jamais ils ne cessent de vous sourire. Ils vous sourient comme si, à chaque fois, ils voulaient vous donner un peu de leur bonheur. Ils vous sourient avec douceur.
Cette photo a été prise ce matin, il était huit heure trente. Le mari de Somali est venu chercher un outil et lorsqu’il a vu sa femme travailler ainsi, il lui a demandé, avec autorité, d’arrêter. Ce qu’elle fit dans l’instant même, s’asseyant alors sur une chaise. Rassuré, il est reparti travailler derrière la maison. Elle s’est levée, doucement, a pris à nouveau une grosse pierre et l’a transportée dans le camion.
Je prenais un café sur la terrasse de la maison, j’écoutais Imagine de John Lennon.
Le ciel est bleu et déjà la chaleur de l’été nous enveloppe. Nous sommes à Siem Reap au Cambodge.
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