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Nous sommes au cœur de l’après-midi lorsque le Nélio Correa se détache lentement de l’embarcadère. Nous quittons Manaus sous le regard des familles venues pour un dernier au revoir. Sur le port c’est toujours un peu la fête lorsqu’un bateau s’en va descendre l’Amazone.
Les marchandises ont été chargées depuis le matin dans la cale et sur le pont inférieur. C’est un ensemble hétéroclite qui a ainsi prit place à la force des bras, un mélange de chaises par dizaines, de ballots de bois étranges, des climatiseurs, un lit, deux motos, des caisses bleues et vides par centaines et d’autres paquets petits et grands dont on se demande si jamais ils arriveront à destination tellement ils semblent anonymes. Sur le premier pont, les familles se sont installées, hamacs tendus, bagages en dessous, chacun construit son petit univers aux frontières invisibles. Sur le pont supérieur, il y a le bar et la musique Brésilienne résonnante dans chacun des recoins du bateau durant une grande partie de la journée. C’est sur ce pont que se sont installés les jeunes, c’est là que je jouerais mes premières parties de domino durant lesquelles, chacun claque violemment sa pièce sur la table avant de la poser à l’endroit où elle convient d’être.
Au bout du premier pont se trouve le réfectoire, petite pièce qu’une climatisation mourante rend glaciale et assourdissante. J’y prendrais régulièrement mes seuls petits déjeuners pour profiter du café chaud et trop abondamment sucré. Un œuf au plat, une lamelle de jambon et de fromage, un petit pain rond complèteront ce repas du matin.
Nous étions probablement un peu plus d’une centaine sur le bateau et trois touristes, un américain, lecteur stakhanoviste dans son hamac du pont supérieur et un espagnol enfermé pendant tout le voyage dans sa cabine au point d’obliger à une ouverture forcée de sa porte à l’arrivée.
Les deux premiers jours, l’essentiel de mes relations avec les autres passagers se limitèrent à de larges et grands sourires réciproques et des bom dia difficilement prononcés. Et puis, au soir du troisième jour Francimar et sa femme sont venus me voir. Il avait passé quelques temps en Colombie et parlait un peu d’Espagnol. Nous avons beaucoup parlé ce soir là. Le lendemain matin, dans les sourires et les bonjours de Brésiliens j’ai compris qu’il avait passé le message de qui j’étais et du pourquoi je ne parlais pas trop. Mon Brésilien est outrageusement trop pauvre. Tous ceux qui parlaient quelques mots d’Espagnol sont alors venus me voir pendant le reste du voyage, les femmes me parlaient doucement en Portugais et les hommes restaient simplement à coté de moi comme pour me dire que je faisais partie de cette grande famille du bateau.
Nous avons ainsi partagés de sublimes couchers de soleil, les levers matinaux, la contemplation du vol des oiseaux le soir lorsqu’ils s’en vont d’une rive à l’autre de l’Amazone. Nous avons regardé ces chargements et déchargements durant les huit escales de notre périple. Ils ont souris à me voir prendre des photos de chacune des maisons que nous croisions sur les berges. Ils m’ont dit le prix des gateaux, des sucos ou autres plats que des vendeurs s’empressaient de nous proposer des que le bateau s’arrêtaient. Francimar m’a emmené dans les petits villages des ports où notre attente était plus longue. Il m’a donné sa bague pour que je me rappelle de lui et nous avons bu des bières ensemble.
Un matin, un grand frémissement étrange envahit le bateau. J’étais à l’avant, contemplant comme toujours cet immense fleuve quant deux ou trois personnes m’ont fait signe de venir. Nous étions dans un des bras de l’Amazone, très proche d’une berge et c’est alors que par dizaines des petites barques essayaient de venir à la rencontre de notre embarcation. De partout, de tous les ponts les gens jetaient des sacs en plastique dans le fleuve. Quelqu’un m’a expliqué que c’était une tradition, que dans les sacs se trouvaient des vêtements ou de la nourriture et que dans les barques se trouvaient les habitants pauvres de la foret qui n’avaient pas toujours la possibilité de trouver de quoi se vêtir ou se nourrir.
Durant cinq jours, ce fût une ambiance nonchalante ou chacun régulièrement retrouvait son hamac, ce fût des centaines de sourire, des mots incompris qui déclenchaient des rires sans fin. Ce fût des rencontres d’un fugace instant, mais joyeuses tout le temps. Ces jours furent au delà de ce que j’attendais et aujourd’hui encore j’ai dans le sourire, le visage de chacun.
Ici se retrouve tels deux amants, l’Amazone, appelé jusqu’alors le Solimöes et le Rio Negro qui prend sa source en Colombie.
Ces deux géants vont durant plus de neuf kilomètres couler ainsi l’un à coté de l’autre, s’effleurant au fil de leurs courants différents. L’Amazone, impétueux coule à plus de 6km heure alors que le Rio Négro, nonchalant flâne à peine à 2km heure.
L’Amazone, frais comme un gardon affiche 22° alors que le Rio Négro, profitant du soleil élève allègrement sa température jusqu’a 28°. C’est à la fois cette différence de température et de vitesse qui permet à ses deux enfants terribles de se côtoyer ainsi avant de se rencontrer définitivement ce qui ne sera plus que l’Amazone.
Je ne peux vous dire que le pourquoi de ce fleuve partagé en deux car comment pourrais je dire l’émotion d’être ici.
J’attends avec impatience de revenir avec le groupe en octobre pour lire dans leurs yeux tout ce que les miens ont trouvé de majestueux en cet endroit là.
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